mar. Août 12th, 2025
Le cas d’Aaron Wan-Bissaka illustre un dilemme de plus en plus courant au sein des sélections africaines : faut-il accueillir à bras ouverts un joueur binationaux qui a longtemps tourné le dos à sa sélection d’origine, au nom du renforcement sportif immédiat, ou doit-on privilégier ceux qui ont toujours répondu présent, parfois au détriment de leur carrière en club ?
Formé en Angleterre, passé par Crystal Palace et aujourd’hui joueur de Manchester United, Wan-Bissaka est sans conteste l’un des meilleurs défenseurs à son poste en Premier League. Sa puissance défensive, sa rigueur tactique et son expérience du haut niveau ne sont plus à démontrer. Mais c’est justement cette trajectoire qui rend son dossier aussi délicat : longtemps courtisé par la République démocratique du Congo (RDC), pays d’origine de sa famille, il a préféré attendre un appel de l’Angleterre — qui ne s’est finalement jamais concrétisé, au-delà de quelques sélections en jeunes.
Aujourd’hui, alors que les portes des Three Lions semblent durablement fermées, Wan-Bissaka montre des signes d’ouverture envers les Léopards. Pour certains supporters et observateurs, cette attitude frôle l’opportunisme. Où était-il quand la RDC construisait patiemment son effectif, match après match, loin des projecteurs ? Ce choix tardif peut être perçu comme un manque de respect, voire une insulte à ceux qui ont porté le maillot dans l’adversité.
Mais à ce discours s’oppose une autre lecture, plus pragmatique : celle de l’apport sportif. Un joueur évoluant dans un club comme Manchester United, capable de faire face aux meilleurs attaquants du monde chaque semaine, pourrait transformer le visage de la défense congolaise. Au-delà du terrain, sa présence en sélection peut envoyer un signal fort à d’autres binationaux talentueux, qui hésitent encore à faire le grand saut vers la patrie de leurs origines.
Le journaliste sportif congolais Aristote Pelly résume bien cette position intermédiaire : « Si Wan-Bissaka s’engage avec sincérité, avec l’envie de contribuer pleinement au projet sportif congolais, il serait dommage de se priver d’un tel talent. Mais sa sélection ne doit pas se faire sans dialogue ni explication auprès des joueurs et du public — pour éviter tensions et divisions. »
La clé du dossier Wan-Bissaka réside donc dans la manière, plus que dans la décision. Si le joueur vient avec humilité, avec l’envie réelle de s’impliquer dans une dynamique collective, son intégration peut être un succès. Mais elle doit être accompagnée d’un discours clair, d’un geste fort envers ses coéquipiers et les supporters, pour prouver que ce choix n’est pas seulement celui d’un plan B, mais bien celui du cœur et de la conviction.
Ce débat, profondément ancré dans les dynamiques identitaires et sportives du football africain, montre que la sélection d’un joueur ne relève jamais uniquement de la qualité sur le terrain. Elle touche aussi à des questions de symboles, de loyauté, et d’appartenance. Et dans le cas de Wan-Bissaka, tout reste à écrire.

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